Il est minuit passé, les secondes tournent au ralenti, mortifiées, brisées par le froid d'un chapitre élégiaque. Mes mots s'essayent encore sur ce papier rêche entre mes mains intolérantes, et se heurtent aux vestiges macabres de ce décembre funeste.
" Il est mort disait-on". Je ne le connus pas. Je n'était qu'un enfant et depuis je ne le suis plus. Il s'appelle Saïd. Mekbel trône encore comme un pied de nez à la mort, à l'histoire, à la vie, à un pays. Il avait peur de mourir de leur mains, qu'on lui tranche la gorge, mais ne craignait nullement la mort. Elle était sa compagne. Elle était comme cette cigarette et son odeur qui s'attarde sur nos corps, nos habits et nos haleines. Il écrivit son dernier billet comme un testament où disait-il " ce voleur qui ", ce voleur qui rançonnait la mort, ce voleur qu'on châtiait dans les palais de l'Injustice, ce voleur qui n'avait nul chez-soi, ce voleur qui rasait jours et nuits les murs, celui qui portait la mort comme anathème. Ce voleur que la mort a fini par surprendre dans une sordide impasse d'Alger.
Les mots se crispent encore sur mes lèvres, sa plume hante encore l'histoire, l'art et ce pays de damnés, son pays. Il hante tous les supports qu'on noircit de mots, de d'encre, de combats et de convictions. Il était homme de polémique, homme de foi, foi en la justice et l'avenir des siens, mais les ennemis de Dieu l'attendait au tournant, deux fois, ils purent enfin l'achever et éteindre une étoile qui suivra tant et tant encore. Hommage à Saïd Mekbel, journaliste assassiné le 03 décembre 1994 à Alger.
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