Je m’indigne histoire de m’indigner / Par Larbi At Umalou

juillet 15, 2018 by

J’ai le sang qui boue, des larmes m’indisposent comme une tare qu’on a sur le corps. Elle est chevillée à mon âme, telle une métastase qui ne trouve issue que de creuser la chair. Oui la douleur est au seuil de mes lèvres.
Il m’est difficile de scinder les touches de mon clavier, les lettres brulent sous mes doigts et cette rage déborde en moi comme le pus débordant une blessure encore réouverte.
Oui aujourd’hui, j’ai envie de choquer! Je suis choqué! Je bafouille, je m’indigne sur cette feuille et les abysses de mon âme. Je me sens sale, indigné, car j’appartiens à ce peuple, à ces machins dirait l’autre. Il restait en nous un peu d’humanité et on la trucide, la massacre et la jette au delà des murs de la cité.
Je l’ai vue, tous le monde l’a vue. Qui osera dire qu’il n’a pas vu cette brute gifler et jeter dans la boue un pauvre gamin? Qui n’a pas vu ou entendu celui qui filmait se tordre de rire, sans doute pire encore que celui qui a frappé. Qui n’a pas vu ces gens passer et repasser en regardant sans même oser intervenir? Il faut dire que nous sommes un peu trop occupés à applaudir la présidente de la Croatie en ébullition dans le stade pour pouvoir voir ce qui se passe chez nous.
Chez nous, on les bat, les maltraite, on les escroque et pire: on les laisse mourir dans le désert. Leurs enfants sont des singes-savants et eux, des ramasses-mouscaille. Oui nous sommes ainsi avec ces gens qui fuient les guerres et la misère. Avons-nous jamais été en guerre et dans la misère? On oublie vite. La tête est vide et le ventre plein, mais de misère.
Sommes-nous ce peuple dont rêvait nos grands-parents en libérant ce pays à coût de sang versé? Leurs calculs étaient-ils faussés? Oui je l’ai vu et je m’indigne comme tout ce peuple qui ne sait que s’indigner à la chaine. Pourquoi devrais-je être autrement d’ailleurs. Je suis l’égal de ce peuple qu’on achève de son humanité, et l’image de cet enfant qu’on souille dans la boue et sur lequel on lève la main me soulève le coeur comme si c’était mon enfant. Oui j’espère qu’il reste encore en moi un peu plus d’humanité que ce peuple. Je m’indigne et ça apaise mon âme. J’exorcise, je dénonce et ça me distingue de ce dernier.
Oui j’ai la haine! La haine de ne pouvoir agir, je revois encore et encore la scène et je me rends compte de notre incapacité à voir le monde d’une façon apaisée. Ils ont fait de nous des monstres. L’éducation a fait la base et la société a scellé le reste.
Oui je m’indigne à la chaine, en file indienne derrière quarante millions de mes concitoyens et je viens de saisir une chose à la fin : c’est qu’il est urgent de s’indigner pour ce qu’on s’inflige à nous-même avant ce qu’on inflige aux autres, car c’est encore bien pire.


L. At. Umalu

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